L’assurance « protection juridique »
Explications et position de la Plateforme justice pour tous
Le 22 avril 2019, le Parlement fédéral belge votait une loi à l’initiative de l’Open VLD, du CD&V et du MR qui avait pour but de faciliter l’accès à l’assurance protection juridique.
Comment cela fonctionne-t-il ?
Le principe de l’assurance est que le citoyen cotise en payant à une compagnie d’assurances une prime chaque mois. En échange, l’assurance vous protège de certains risques liés aux frais à payer en justice.
Dans le cas de l’assurance « protection juridique », si vous devez aller en justice, un certain montant vous sera remboursé par la compagnie d’assurance. Il s’agit des frais d’avocat, des frais de huissiers de justice, des frais des procédures judiciaires, d’experts et d’exécution des jugements pour des matières juridiques déterminées.
Attention ! L’ensemble des frais ne sont pas pris en charge par l’assurance : particulièrement pour les honoraires d’avocats, il y a un plafond de frais maximum, fixé par le gouvernement en fonction de la matière. En dessous de ce plafond, tout est pris en charge par l’assurance ; au-dessus du plafond, le reste est pris en charge par le justiciable. Malgré cette limite, les montants totaux pris en charge par l’assurance pourront être relativement importants.
Il n’est pas obligatoire de prendre une assurance « protection juridique » en Belgique. Seuls les citoyens qui en ont les moyens et décident de payer une assurance qui prendra en charge une partie de leurs frais de justice en auront une.
Les primes d’assurance peuvent être fort élevées. C’est la raison pour laquelle l’Etat a décidé d’intervenir pour rendre l’assurance financièrement plus accessible.
Comment ? Avec la nouvelle loi, la personne qui prend une assurance protection juridique bénéficie d’une réduction d’impôt : elle pourra payer jusqu’à 124 euros d’impôt en moins par an.
Pourquoi ça pose problème ?
La Plateforme Justice Pour Tous milite pour que l’accès à la Justice soit garanti à tout le monde, quels que soient les revenus des gens. Un système judiciaire qui ne serait accessible qu’aux plus riches, ou un système judiciaire au sein duquel l’état des revenus des gens influerait sur l’issue du procès serait un vrai problème démocratique.
Il y a de nombreux problèmes avec l’assurance « protection juridique ». Entre autres :
- Elle demande d’augmenter le coût de la vie pour pouvoir être protégé des frais de justice (il faudra payer une prime chaque mois pour que les frais de justice, qui sont très importants, être réduits) ;
- Elle n’est pas accessible à tous (les assurances actuellement sur le marché varient entre 400 et 600 euros à payer par an, et les assurances futures seront sans doute plus chères). Donc, elle n’est pas accessible à ceux et celles qui gagnent trop d’argent pour pouvoir avoir droit à un avocat pro-deo, mais pas assez pour pouvoir supporter des frais de justice ;
- L’avantage fiscal qu’on peut désormais recevoir, la réduction d’impôt… ne bénéficie qu’aux personnes qui gagnent assez que pour payer des impôts. Si on ne paie pas d’impôts, on ne pourra pas recevoir de réduction d’impôt ;
- La loi ne prévoit pas de plafond pour les primes d’assurances. Donc, les compagnies d’assurance pourront continuer à augmenter le prix des assurances. Ce qu’elles ont déjà fait : depuis juillet, certains montants de primes d’assurance ont augmenté de… 120 euros, soit le montant de la réduction d’impôt !
- Certains frais ne seront pas pris en compte, et notamment, au-dessus d’un certain montant de frais d’avocats, le supplément est payé par l’assuré ;
- Pour certains litiges, la loi prévoit qu’il faut contracter une assurance 3 à 5 ans avant le début du problème en justice pour que l’assurance paie les frais ;
- Les « petits litiges » sont exclus de la couverture de l’assurance. Si vous avez des frais de justice qui coutent moins de 1000 euros, l’assurance ne les remboursera pas. Mais 1000 euros, ça représente un montant important pour les personnes précaires !
Que proposons-nous d’autre ?
Pour la Plateforme Justice Pour Tous, recourir à une assurance pour garantir l’accès à la justice, particulièrement pour les personnes qui ont de faibles revenus, ne peut fonctionner. En mettant en place cette réduction d’impôts qui, dans les faits, bénéficiera surtout aux classes moyennes supérieures, l’Etat se prive de moyens qui auraient été essentiels pour intervenir auprès des personnes ayant peu de ressources.
Nous recommandons donc trois choses :
- Augmenter les seuils de l’aide juridique de deuxième ligne : il faut que bien davantage de personnes qu’aujourd’hui puissent bénéficier d’un avocat pro-deo pour que leur accès à la justice soit garanti
- Rendre l’assistance judiciaire (qui permet de payer les frais de justice et de procédure) automatique à partir du moment où on obtient un avocat pro-deo
- Réfléchir à la possibilité que l’aide juridique soit intégrée dans le système des mutuelles et ce, afin de garantir un accès à un avocat pour chacun·e.
La Plateforme Justice Pour Tous
Associations membres : Association de Défense des locataires sociaux, Association pour le Droit des Etrangers, Association Syndicale des Magistrats, Atelier des Droits Sociaux, Caritas International, Centre d’Action Laïque, CIRE, Collectif Solidarité Contre l’Exclusion, DEI-Belgique, Espace Social Télé Service, Fairwork Belgium, Infor droits, Jesuit Refugee Service, Ligue des Droits Humains, Ligue des familles, Linksecologisch forum, Medimmigrant, Netwerk Tegen Armoede, Progress lawyers Network, Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté, Le Forum Bruxelles contre les inégalités, Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, Samenlevingsopbouw, Service Droits des Jeunes, Syndicat des Avocats pour la Démocratie, Vrouwenraad.